Quelles couleurs acheter ? Un défi fréquent :
Les question « Quelles couleurs devrais-je acheter ? » et « Quelles sont les couleurs indispensables sur ma palette ? » résonnent régulièrement dans les e-mails que je reçois.
En tant que restauratrice de peinture, je suis confrontée à la nécessité de retrouver, par mélange, les correspondances exactes des couleurs pour les retouches sur des tableaux et fresques murales. L’aspect pratique est essentiel : sur les chantiers, il est difficile de se balader avec des dizaines de pigments ! En plus de cet aspect pratique, la question de savoir quelles sont les couleurs indispensables pour débuter peut aussi avoir des motivations économiques.
Les couleurs primaires traditionnelles
Alors quelles sont les couleurs de base? Nous avons généralement appris à l’école que trois couleurs appelées « primaires » permettraient de mélanger toutes les teintes possibles et imaginables. Ces couleurs primaires seraient le rouge, le jaune, et le bleu. Leur mélange donnerait du noir.
Mais en pratique, en utilisant cette triade-là, j’imagine que comme moi vous êtes parfois déçu des résultats: certains mélanges sont ternes, éteints – c’est surtout flagrant dans les verts et dans une moindre mesure dans les violets.
Les encres d’impression
D’autre part, si vous avez déjà regardé les couleurs d’encre de votre imprimante, vous savez que les encres d’impression respectent une autre triade. On y trouve un rouge qui tire vers un rose un peu bleuté (il s’appelle magenta), un jaune citron et un bleu clair quasiment turquoise, appelé cyan. Ce sont ces encres-là que les imprimeurs utilisent dans un système dit « quadrichromie » pour imprimer nos livres et nos magazines.
Dans la quadrichromie, les encres ne sont pas mélangées physiquement mais optiquement. Les couleurs sont représentées par une multitude de points plus ou moins petits dont la synthèse est faite par notre œil. C’est un peu comme si vous regardiez une peinture pointilliste très détaillée !
Une nouvelle triade
Si j’utilise pour mes peintures une triade du type cyan-magenta-jaune le résultat est très différent de mes premiers essais en rouge-jaune-bleu. Les teintes obtenues sont, pour la plupart d’entre elles, plus vives, plus lumineuses. Malgré tout on peut voir que dans la gamme des orangés on perd un peu de luminosité…
Votre palette c’est votre expression !
Le but ici n’est pas de vous dire quelles seraient les « vraies » primaires. C’est une fausse question! Votre palette peut dépendre de votre style : certains artistes vont adorer les couleurs vives et pures, tandis que d’autres vont peut-être privilégier plutôt des teintes désaturées, qu’on pourrait estimer plus réalistes.
L’homme à la tulipe
Robert Delaunay
Portrait de Jeune Homme à la boucle d’oreille
Ingres
Si vous avez un peu de pratique, vous avez toutefois remarqué qu’avec une base de couleur vive il est relativement facile d’obtenir des teintes plus assourdies, en y ajoutant par exemple la couleur complémentaire. En revanche, si la couleur de base est terne j’aurai bien du mal à la rendre vive et lumineuse. Y ajouter du blanc, ça ne fera que la désaturer en plus de l’éclaircir.
Les primaires divisées : une fusion ingénieuse
En réalité, les deux triades peuvent se compléter! Avec les deux cercles, on a d’un côté des beaux orangés et d’autres des beaux verts. L’un est un composé de couleurs plutôt chaudes. Il va donner de bons résultats pour la partie chaude des couleurs du spectre, c’est-à-dire les jaunes orangés. Et l’autre étant plutôt froid, il permet de fabriquer des verts magnifiques.
Les violets sont un peu à part, et on privilégie généralement des violets fait sur une base mixte: un rouge froid donc un magenta, plus un bleu chaud. J’y reviendrai dans un prochain article.
Le système des doubles primaires, doubles triades ou primaire divisées (Split Primaries en anglais) consiste à utiliser ensemble les différentes caractéristiques que nous venons de découvrir : on va combiner les deux triades, en travaillant avec 6 couleurs de base.
On peut dire que les primaires sont doublées, avec une version froide plus une version chaude de chacune des trois couleurs de base. Un jaune citron donc froid, un jaune chaud un peu orangé, un rouge pompier qui est plutôt chaud, un magenta froid, un bleu rougeâtre chaud et un bleu verdâtre froid (du cyan).
Je vous parle en détail de la notion de température de couleur dans le Carnet d’Atelier numéro 26 et dans cette vidéo…
Application pratique
Le système est assez simple : pour créer des orangés on va mélanger notre jaune chaud avec notre rouge chaud, pour les verts on va travailler avec un jaune froid et un bleu également froid. Les violets sont constitués du mélange de notre rouge froid avec notre bleu chaud.
Voilà ce que donne le nuancier à l’aquarelle avec des primaire divisées.
Pour aller plus loin, on peut y ajouter des mélanges supplémentaires : deux oranges, l’un fait avec du jaune froid et du rouge froid (magenta), l’autre avec du jaune chaud et du magenta, deux verts : l’un fait avec du jaune chaud et du bleu froid (du cyan), l’autre avec du jaune chaud et du bleu chaud, et enfin les deux violets : magenta plus cyan et rouge chaud plus bleu chaud.
Vous pourrez télécharger ce modèle de cercle chromatique avec les explications pour le réaliser dans mon Carnet d’Atelier numéro 27.
Choisir ses pigments sur un nuancier
Bien entendu, comprendre la théorie c’est très bien mais après ça peut parfois sembler un peu compliqué à mettre en pratique. Quelles couleurs faut-il acheter exactement pour réaliser tous ces mélanges ?
Pour choisir sur un nuancier de fabricant (généralement ils sont classés en ordre chromatique), on cherchera les équivalents en chaud et froid de chaque couleur. Tous les fabricants ont leur système de notation. Les noms sont parfois différents pour une même couleur, ou des noms identiques donnent parfois des surprises à l’ouverture du tube…
C’est pourquoi on a ordonné chaque pigment dans une nomenclature internationale qui s’appelle le Color Index. Le Color Index est très utilisé par les fabricants de tubes et de pigments, mais aussi par différents industriels. La liste regroupe les pigments, donc les couleurs sous forme de matériaux, par catégorie chromatique. Chaque pigment est représenté par une ou plusieurs lettres suivies de chiffres. De nombreux fabricants de couleurs indiquent ce code quelque part sur le tube ou le pot. On peut avoir des couleurs mono-pigmentaires, donc avec une seule composante, ou multi-pigmentaires.
Une liste de pigments pour la palette double
Pour nos six couleurs de base on peut essayer de rester sur des pigments uniques, ce qui fera que les mélanges n’auront jamais plus de 6 pigments, et on peut utiliser les pigments suivants qu’on va trouver sous forme de pigment sec, de tubes ou de godets d’aquarelle ou de gouache, de tubes à l’huile ou toute autre forme de peinture.
Jaunes froids : cadmium (PY3) / jaune verdâtre (PY129)
Jaunes chauds : jaune indien (PY50) / ocre jaune doré (PY42)
Rouges froids : magenta (PR19) / quinacridone (PR202)
Rouges chauds : laque de garance (PR112) / vermillon (PR106)
Bleus froids : bleu de prusse (PB27) / ceruleum (PB35)
Bleus chauds : outremer (PB29) / bleu delft (PB60)
Conclusion
Le principal avantage de la palette des doubles primaires, c’est qu’elle vous assure, avec seulement six couleurs, d’obtenir les mélanges les plus éclatants et les plus purs. Réaliser un cercle chromatique ou un nuancier à base des doubles primaires, c’est aussi une super façon d’approfondir la théorie. J’espère que je vous aurai donné envie d’essayer !
Vous pouvez regarder cette vidéo pour en savoir plus sur les doubles primaires :