De la croissance des végétaux à la chance au jeu, en passant par l’instabilité et la toxicité des pigments, le vert est une teinte qui ne manque pas de symbolique. Découvrez toutes les facettes de cette couleur toujours surprenante…
Une symbolique parfois contradictoire
La nature est à dominante verte. Les Grecs anciens la nomment khloros – racine du mot « chlorophylle », le pigment vert des végétaux qui leur permet la photosynthèse. A cette époque, la couleur verte représente la croissance, la force et la fertilité. Ce sens perdure dans les expressions comme « bois vert » (fraîchement coupé) ou « vieillard encore vert » (toujours vaillant). Son nom latin est viridis, d’où vient notre « verdoyant ».
Comme toutes les couleurs, le vert revêt des significations symboliques nombreuses et parfois contradictoires. En Égypte ancienne, un onguent oculaire était fabriqué à base de poudre de gemmes vertes et cette teinte représentait alors guérison et protection (sens que l’on retrouve encore dans les enseignes de nos pharmacies).
Le vert, couleur de la bannière de Mahomet et du Paradis, est emblématique dans l’Islam. Pour les Bouddhistes, le vert vif symbolise la vie alors que le vert pâle est associé au royaume des morts. En Occident, il possède un double sens : jeunesse et croissance, mais aussi maladie – un teint verdâtre n’est pas vraiment synonyme de bonne santé…
La couleur de l’instabilité, mais aussi de la chance
Le colorant vert est assez facile à obtenir à partir de divers produits végétaux : feuilles, racines, fleurs, écorces. En revanche, ce vert végétal manque cruellement de stabilité à la lumière et s’affadit très rapidement. Les premiers verts artificiels sont certes intenses et lumineux mais également instables et parfois dangereux (les anciens pigments verts contenaient de l’arsenic).
De nombreuses significations symboliques du vert se sont donc organisées autour de cette notion d’instabilité et de ce qui bouge, varie, change. Le vert représente ainsi le hasard, le destin, la chance. C’est ainsi que dès le 16e siècle à Venise, on joue aux cartes sur un tapis vert. Des jeux d’argent, cette couleur a progressivement colonisé la banque et la finance. Jusqu’au dollar, le « billet vert ».
Couleur primaire ou secondaire selon les modèles théoriques…
Selon la synthèse additive (couleur-lumière), le vert est une couleur primaire et son mélange avec le rouge et le bleu donne toutes les teintes du spectre. Dans le modèle soustractif (couleur-matière), c’est une couleur secondaire obtenue à base de jaune et de cyan.
La théorie des couleurs primaires et secondaires, initiée par les scientifiques du 18e siècle, a ainsi conduit le vert à être relégué au second plan à côté de couleurs primaires considérées comme « pures ». Selon ce modèle, sur la roue colorée, le vert est opposé au rouge. Complémentaire de la couleur de l’interdit, le vert est ainsi devenu son contraire, la couleur de l’autorisation.
Une couleur longtemps toxique
Dans les temps anciens, les peintres disposaient de peu de pigments verts naturels. Les terres vertes étaient rares et les verts végétaux instables. Les pigments verts ont longtemps été limités aux minéraux de cuivre (malachite, chrysocolle). Ces teintes étaient souvent assimilées aux bleus, qui provenaient des mêmes minerais.
Par corrosion du cuivre on obtient un pigment bleu-vert, malheureusement éphémère, qui s’altère et s’assombrit avec le temps. De plus, la longue utilisation de dérivés arsenicaux du cuivre, très toxiques, a conduit à de nombreux empoisonnements et ainsi contribué à la mauvaise réputation des teintes vertes, en décoration comme en teinture ou en cosmétique.
Il faut attendre la fin du 19e siècle et l’invention du vert émeraude et du vert de cobalt pour bénéficier de verts inorganiques synthétiques stables et sans danger pour la santé. Enfin, depuis le 20e siècle, l’industrie chimique a permis l’apparition de nombreux pigments organiques de synthèse, dont le vibrant vert phtalo qui fut très rapidement adopté par les artistes.
Les pigments verts
En somme, la couleur verte possède une symbolique riche et complexe qui évolue au fil du temps et des cultures. De la croissance et la fertilité à l’instabilité et la chance, en passant par la maladie et la finance, cette couleur est associée à des significations parfois contradictoires. Si les pigments verts naturels étaient limités et souvent toxiques, l’invention de pigments synthétiques stables a permis une plus grande variété de nuances et une utilisation plus sûre dans les arts, la décoration et la cosmétique. Au-delà de ses significations symboliques, le vert reste une couleur omniprésente dans la nature, nous rappelant la beauté et la richesse de notre environnement. Mais finalement, qu’importe sa symbolique ou ses origines, le plus important c’est de se faire plaisir en l’utilisant !
Pour aller plus loin, vous trouverez un historique des pigments verts dans cet autre article du blog.
Bibliographie
- Philip Ball, Histoire vivante des couleurs : 5000 ans de peinture racontée par les pigments, Hazan, 2010
- Victoria Finlay, Color, A Natural History of the Palette, Random House, 2002
- Jean Petit, Jacques Roire et henri Valot, Des liants et des couleurs pour servir aux artistes peintres et aux restaurateurs, EREC, 1995
- François Perego, Dictionnaire des matériaux du peintre, Belin, 2005
- Anne Varichon, Couleurs, Pigments et teintures dans les mains des peuples, Seuil, 2000